LES POINTS MARQUANTS
- La République centrafricaine (RCA) a le cinquième taux de pauvreté le plus élevé du monde avec près de 70 % de la population vivant dans l’extrême pauvreté.
- La toute première évaluation de la pauvreté réalisée par la Banque mondiale en RCA met en évidence des conditions de vie marquées par des privations extrêmes — 90 % des Centrafricains vivent sans électricité.
- Le rapport appelle à une action urgente pour renforcer l’agriculture, le capital humain et les infrastructures, trois priorités pour sauver des vies et sortir la population centrafricaine de la pauvreté.
BANGUI, 16 novembre 2023 – La Banque mondiale a publié aujourd’hui son tout premier rapport d’évaluation de la pauvreté pour la République centrafricaine (RCA).
Voici ce qu’il faut en retenir :
1. L’extrême pauvreté est généralisée en RCA
La RCA a l’un des taux de pauvreté les plus élevés au monde : près de sept personnes sur dix vivent sous le seuil international d'extrême pauvreté fixé à 2,15 dollars par jour. Plus de la moitié de la population vit également sous le seuil de pauvreté alimentaire, ce qui signifie qu’elle n’a pas les moyens de se nourrir suffisamment, même en consacrant l’intégralité du budget du ménage à l’alimentation.
Un grand nombre des 6,1 millions d’habitants que compte le pays souffrent aussi de privations non monétaires extrêmes : près de neuf personnes sur dix n’ont pas accès à l’électricité, le taux de scolarisation dans le secondaire n’est que de 16 % et 2,5 % seulement des routes sont asphaltées.
Taux de pauvreté (au seuil de 2,15 dollars par jour) en RCA et dans les pays de comparaison
2. Un pays en déclin économique
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, la RCA a été en proie aux conflits, à l’instabilité politique et aux déplacements de population. En déclin, le produit intérieur brut (PIB) par habitant est aujourd’hui inférieur à ce qu’il était dans les années 1960.
PIB réel par habitant de la RCA (de 1960 à nos jours)
3. Revitaliser l'agriculture et les infrastructures
Le rapport établit une feuille de route pour la réduction de la pauvreté en RCA. Alors que 70 % de la population en âge de travailler dépend de l’agriculture, le renforcement de ce secteur apparaît comme le moyen le plus direct d’améliorer les moyens de subsistance et de nourrir la population. L’agriculture pluviale y est prédominante, le manioc, le maïs, le riz, le sorgho et le millet constituant les principales cultures vivrières, et ces activités peuvent s’avérer vulnérables aux chocs climatiques.
Or, la productivité agricole est faible faute d’accès aux intrants essentiels (engrais, irrigation, équipements...) et aux marchés (manque de routes asphaltées et commerce limité). Alors qu’un habitant sur dix environ vit à plus d’une heure de marche d’une route primaire, secondaire ou tertiaire, il est essentiel d’investir dans les infrastructures pour accroître l’accès des agriculteurs aux marchés et améliorer ainsi la productivité agricole et les moyens de subsistance.
Difficultés rencontrées par les ménages pour vendre leurs produits agricoles
4. Développer le capital humain
Un grand nombre d’enfants vivent à une distance trop éloignée des écoles. Selon le rapport, la moitié des enfants en âge d‘aller à l‘école primaire vivent à plus de 30 minutes de marche de l‘établissement le plus proche et 30 % à plus d‘une heure. La situation est encore plus grave en ce qui concerne le secondaire : 64 % des enfants en âge de fréquenter l‘école secondaire vivent à plus de 30 minutes de marche de l‘établissement le plus proche et environ 55 % à plus d‘une heure. De nombreux Centrafricains vivent également trop loin des établissements de santé pour pouvoir y accéder.
L’accès aux services essentiels, tels que l’éducation, la santé et l’eau, est indispensable pour renforcer le potentiel productif des jeunes Centrafricains et peut permettre d’amorcer une réduction durable de la pauvreté.
Indicateurs de pauvreté non monétaire
5. Protection sociale
Les politiques visant à renforcer le capital humain et à améliorer les moyens de subsistance prennent du temps avant de produire leurs effets sur la réduction de la pauvreté. Elles doivent s’accompagner de mesures plus directes, comme la mise en place de filets de protection sociale, qui permettent de garantir que les ménages puissent satisfaire leurs besoins alimentaires de base.
Il est crucial d’étendre la protection sociale, les programmes actuels étant bien trop insuffisants pour répondre aux besoins des plus vulnérables. En 2021, 1 % seulement des Centrafricains vivaient dans un ménage recevant des transferts monétaires de l’État, moins de 10 % dans un ménage bénéficiant de soins pour les nourrissons et les femmes enceintes, et 14 % dans un ménage recevant une aide alimentaire en nature. Les ménages adoptent par conséquent des stratégies de survie pour faire face aux chocs, qui consistent notamment à réduire leur consommation de nourriture, avec le risque d’affaiblir les investissements dans le capital physique et humain.
Compte tenu des contraintes budgétaires, il est essentiel de définir des priorités et de mieux cibler les filets sociaux afin d’atteindre ceux qui en ont le plus besoin. La promotion de la paix et de la sécurité est également essentielle, et toutes les politiques de réduction de la pauvreté doivent tenir compte d’un contexte marqué par des déplacements de population et une situation de conflit.
Chocs subis par les ménages pauvres et non pauvres en RCA
Le rapport s’appuie sur des microdonnées sans précédent pour proposer des stratégies réalistes visant à sortir les Centrafricains de la pauvreté. Il repose principalement sur l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM), dont les résultats permettent d’évaluer le niveau de pauvreté en RCA pour la première fois depuis plus d’une décennie. L’utilisation des données pour suivre les progrès accomplis sur le front de la réduction de la pauvreté et de l’amélioration des conditions de vie peut offrir aux décideurs politiques des indications plus concrètes et plus précises, tout en les obligeant à rendre des comptes et en permettant de renforcer la transparence et de favoriser la bonne gestion des affaires publiques.
Source : Banque Mondiale